Pierre Falardeau, écrivain-cinéaste-ethnologue et activiste bien connu de mes compatriotes québécois, a encore frappé. Son dernier opus ; « Rien n'est plus précieux que la liberté et l'indépendance », aurait pu s'appeler « Comment rester assis dans sa marde en se donnant bonne conscience et passer pour un intellectuel profond mais inoffensif » mais l'éditeur nous en a privé en trouvant ça... trop long. Disons le d'emblée, Falardeau est de cette trempe d'homme à qui on ne la fait pas : avec lui pas d'entourloupes, de coups fourrés, il écrit comme il cognerait s'il était boxeur, avec ténacité, endurance et courage. Il y a du Michel Audiard et du Léon Bloy dans ses écrits, une bonne dose d'humour et d'autodérision et quelque-chose comme de la tendresse, de celle qu'on trouve chez Bukowski, avec l'espoir de celui qui, acculé dans les cordes, continue de lancer ses poings, vaille que vaille, coûte que coûte.
Vous le prenez pour un fêlé avec son histoire d'indépendance? Non, le morceau n'a pas encore descendu l'oesophage et comme disait Audiard : heureux soient les fêlés car ils laisseront passer la lumière. (Enfin l'homme s'est fait suffisamment d'ennemis pour qu’on puisse dire du bien de son bouquin sans pour autant lui faire perdre de sa charge explosive).
Falardeau lance à la tête des gens des mots sans-culottes pour reprendre la formule de Léo Ferré, combat la bêtise, ce que Karl Marx appelait la troisième puissance après la violence et le capital. Il s’en prend à l’ordre, aux hygiénistes de la romance, aux têtes de mort rasées de près, à ceux qui lèchent, encensent, décorent, flattent, sourient et menacent. Oui, la liberté n'est décidément pas une marque de yaourt pour Falardeau et sa technique est assez surprenante : ça ressemble a du hareng avec un arrière-goût de caviar. Assez rare pour être souligné. Généralement c’est l’inverse. Enfin l’homme est de parole et sait ce que pèse un mot (« les armes les mots c'est pareil ça tue pareil » disait Ferré).
Sa langue est vibrante, vivante enfin, il y est question d’ennemis, de poésie, de combats, d’amours, de trahisons, et surtout, d’insoumission sous toutes ses formes. Falardeau donne envie de relire Orwell et son « Hommage à la Catalogne », de découvrir Gaston Miron et Pierre Perrault, de partir à la rencontre d’un Québec oublié trop vite, enterré trop tôt, mais qu’on se le dise, qui n’est pas encore mort.
« La boxe c’est long, ça prend du temps... Le gagnant c’est le dernier qui arrête de se battre ».
Pierre Falardeau, « Rien n’est plus précieux que la liberté et l’indépendance », VLB éditeur, 2009.
George Orwell, « Hommage à la Catalogne », 10/18, Paris, 2000.
Pierre Perrault, « Le visage humain d’un fleuve sans estuaire », Trois Rivières, Ecrits des Forges, 1998.
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