Monday, June 1, 2009

A QUOI BON EMPRUNTER SANS CESSE LA MEME VIEILLE ROUTE ?



Question qui en vaut bien une autre : que faites-vous de vos journées? Je veux dire : au delà de l'utilitaire, du nécessaire, de l'obligatoire, de la sacro-sainte trinité "travail-famille-patrie"? Allez, il doit bien vous arriver de lever les yeux au ciel ou à défaut, au plafond de votre sous-sol pour quelques minutes de pure évasion (si vous travaillez au sous-sol ce qui, je l'assure ici en toute connaissance de cause, peut élargir bien des horizons, à condition bien-sûr d'être entouré de livres et de gens de bonne compagnie). "L'imagination vaut bien des voyages et elle coûte moins cher" comme disait G. W. Curtis.  Mais qu'est ce qui est le mieux? Voyager, réactiver notre regard sur le monde, ou encore rester chez soi et suivre les périples des autres par procuration? Homère a enchanté des générations entières avec son Odyssée, racontant la chute de Troie et les pérégrinations d'Ulysse, voyageur malchanceux et jouet des dieux. De son côté, Jack Kerouac s'est fait le chantre des "clochards célestes" dans Sur la route, un livre devenu culte qui nous entraîne à la suite de Sal Paradise, voyageur désargenté en lutte contre les conventions et la morale étriquée des années 50. Plus près de nous, Cormac MacCarthy dans son livre La route, qui s’est mérité le Prix Pulitzer 2007 et récemment le prix des libraires du Québec, nous entraîne dans un monde apocalyptique, à la suite d’un père et de son fils, dans ce qui reste d’une humanité retournée à la barbarie. 

Mais qu’est-ce que la route finalement ? Qu’est-ce que le voyage ?

Tout un univers de définitions, de sensations, qui a ses adeptes et ses détracteurs ("on est tous cons, mais pas au point de voyager" disait Samuel Beckett, en parlant sans doute de la supercherie du voyage, de celui qui s'achète et qui garantit de tout… sauf de la connerie). Dans son livre, Routes, éloge de l'autonomadie, l'anthropologue Franck Michel en offre un aperçu approfondi, exaltant, et parfois tragique. Il nous vante les chemins de traverse, dissèque avec rigueur l'univers vorace de la publicité et ses guettos touristiques, s'interroge sur la migration des peuples et sur la philosophie du voyage. "L'homme a de tous temps constamment cherché une vie meilleure ailleurs que chez lui, c'est un fait incontestable dont l'histoire nous abreuve d'exemples pacifiques et sanglants. La sédentarité n'est pas inscrite dans le patrimoine génétique de l'homme. Sapiens est par définition un migrant, émigrant, immigrant". Voilà qui a le mérite d’être clair. Enfin cet essai littéraire et libertaire nous incite tout simplement à ne pas oublier de vivre, mais aussi à prendre du recul par rapport à la société dominante. (" Pensez au lieu de dépenser !" slogan salvateur que l'on a pu trouver dans le métro montréalais il y a quelques années).

Un livre pour tout ceux qui souhaitent arrêter de compter le temps pour commencer à le conter.



Homère, L’Odyssée, Actes Sud, Paris, 1995.

Jack Kérouac, Sur la route, Gallimard, Paris, 1999.

Cormac MacCarthy, La route, éditions de l'Olivier, Paris, 2008.

Franck Michel, Routes, éloge de l’autonomadie, Presses de l'Université Laval, 2009.

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