Sunday, August 2, 2009


7 MILLIARDS DE FACONS DE MOURIR OU CHRONIQUE AVEC DES LUNETTES ET UN FUSIL/ DEUXIEME PARTIE


« J'ai dégusté son foie avec des fèves au beurre et un excellent Chianti ».

Qui ne connaît pas cette célèbre réplique du psychiatre cannibale Hannibal Lecter dans Le silence des agneaux

Le polar s'est découvert une autre voie dans les années 70 avec l'irruption dans le paysage noir d'un nouveau courant : celui des meurtres en série et des tueurs sadiques, où l'action et l'émotion, flirtant avec l'horreur, prennent le pas sur l'intrigue. Le contexte politique mondial est à la guerre froide, à l'Amérique de Nixon et à l'affaire du Watergate. Ted Bundy, célèbre tueur en série américain, commence à faire des siennes, ainsi que Donald « Pee Wee » Gaskins ou encore Donald Harvey.

Les tueurs en série ne sont pas nés avec le XXe siècle mais la médiatisation de leurs crimes contribue à nourrir la fascination que l'on éprouve à leur égard.

A ce chapitre, l'histoire de Jack l'Eventreur peut être considérée comme fondatrice : des corps de femmes sauvagement mutilés sont retrouvés dans le quartier de Whitechapel à Londres en 1888. Ce fait-divers sanglant n'est pas le premier du genre (on pense à Gilles de Rais, compagnon d'armes de Jeanne d'Arc et tueur d'enfants qui sévit au XVe siècle en France) mais il en sera fait grand cas dans les journaux de l'époque et intéressera de nombreux écrivains comme Robert Desnos.

Avec la naissance de la psychiatrie à la fin du XIXe siècle, notre regard sur le mal tend à évoluer ; le diable n'est plus le seul coupable, la bête se trouve à l'intérieur de l'Homme. La littérature de tueurs en série reflète cet état d’esprit.

Le moraliste Bret Easton Ellis (c’est lui-même qui se définit ainsi, et non en tant qu’écrivain) dans son roman American psycho, tend à révéler une autre facette du mal : c’est notre époque corrompue par la consommation de masse et le capitalisme bouffi qui secrète des monstres comme son héros yuppie Patrick Bateman.

(Ce à quoi répond l’écrivain James Ellroy : « la morale en écriture n’est que l’esquisse de nos propres actes immoraux »).

Cette figure du sérial killer a connu ses heures de gloire avec Herbert Lieberman, l’auteur de Necropolis, Caleb Carr avec L'aliéniste ou encore Michaël Connelly avec Le Poète. Et bien-sûr, Le silence des agneaux de Thomas Harris, qui avait inauguré le genre avec Dragon rouge en 1982.

Mais le filon semble un peu épuisé et peine à se renouveler, à l’exception notable du Tokyo année zéro de David Peace, paru en 2008, qui s’inspire de l’histoire vraie du tueur et violeur Kodaira Yoshio. On pourrait également citer le thriller de Shane Stevens, Au-delà du mal, un classique du genre, qui vient enfin de paraître en français chez Sonatine.

Le roman noir US a parallèlement révélé des écrivains d'une rare intensité; James Ellroy est de ceux-là. Marqué par le meurtre de sa mère, l'auteur du Dahlia noir ne laisse aucune place à l'improvisation. Son Quatuor de Los Angeles est un pur chef d'oeuvre qui nous offre la vision d'un monde sans espoir dominé par la violence, la corruption et la perversion. Un petit aperçu : « Il n’y a pas de chute de l’Amérique pour la simple raison que l’Amérique n’a jamais été innocente. Il est impossible de perdre ce qu’on a jamais possédé ».

Prochain et dernier round : les allumettes suédoises et le polar made in Québec. 






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