Thursday, March 11, 2010

AYITI CHERI
LISONS HAÏTI

Haïti est aux prises avec des chiffres qui dépassent l'imagination. 200 000 morts, plus de 300 000 blessés et environ 1 million de personnes à la rue. Haïti n'est plus sous les feux des projecteurs mais le rappel des chiffres est à lui seul un vertige. Si les morts n'ont plus besoin de lumière, leur souvenir, lui, se doit d'être invoqué, et quoi de mieux que la littérature pour les rappeler aux vivants. ("Si la littérature n'est pas écrite pour rappeler les morts aux vivants, elle n'est que futilité" comme disait le romancier et critique littéraire Angelo Rinaldi).

Même si les ombres subsistent, assez de chiffres, place aux lettres. Et elles sont belles ces lettres haïtiennes, elles sont fortes et militantes parfois, fières de leur créolité. Il faut lire Haïti, rester curieux de sa culture et de ses représentants : le poète Kesler Brezo, Lyonel Trouillot (magnifique "Bicentenaire"), Jean-Claude Fignolé ("Une heure pour l'éternité"), L'ex-îlé Jean-Euphèle Milcé,le poète James Noël, Emmelie Prophète ("le testament des solitudes"), Kettly Mars, à qui l'on doit "Fado", le grand Georges Castera, Georges Anglade, Louis-Philippe Dalembert ("L'Autre face à la mer"), Frankétienne ("La nocturne connivence des corps inverses"), Gary Victor ("A l'angle des rues parallèles"), Dany Laferrière ("Cette grenade dans la main du jeune Nègre est-elle une arme ou un fruit?"), Rodney Saint-Eloi ("J’ai un arbre dans ma pirogue"), la romancière et nouvelliste Yanick Lahens, auteure de "La couleur de l'aube"…
Haïti, c'est aussi un art pictural particulier et inspiré, celui d'Hector Hyppolite, de Rigaud Benoit pour ne citer qu'eux, le pays des poèmes, comme celui de Rassoul Labuchin, l'un de mes préférés, lancé comme un chant au poète François Villon et à une femme au prénom de triste tempête : «Flora cé gnou belle femme / gnou belle belle ti Romaine/ Villon pa té ça vive/ Sans Flora belle Romaine/ Dis moin non belle Flora/ Lan qui pays ou yé/ Flora loa toute jardin/ Flora loa toute belle fleur/ Tété jasmin créole/ Ça qui passé-ou con ça/ Dépis Villon mouri/ Flora éternité/ Tounnin gnou bourasse vent/ Cap maché fait dégat/ Dis moin non belle Flora/ Lan qui pays ou yé». (Rassoul Labuchin, Flora, Compère ).
Haïti, pays des comptines, effrayante et belle comme le sont les meilleures comptines ;
Manman ou, manman ou ale lavil, ale lavil, l a pote pen pou ou, penga ou kriye pou chat mawon pa pran ou ("Ta mère, ta mère est allée à la ville, allée à la ville, elle t'apportera du pain, ne pleure pas, pour que le chat sauvage ne te prenne pas").
En souvenir des bibliothèques de Port-au-Prince, et salutations au Golfe de la Gônave et de la Presqu'île du Sud.

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